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Économie de la fonctionnalité (2/2) : Comment passer concrètement à l’action sur les territoires ?

Dans la première partie de cet article, nous présentions le concept d’économie de la fonctionnalité, ainsi que les bénéfices potentiels de ce nouveau modèle pour les organisations et les territoires. Vous trouverez dans cette seconde partie des pistes pour passer concrètement à l’action sur cette thématique.

Économie de la fonctionnalité (2/2) : Comment passer concrètement à l’action sur les territoires ?

Coopération et connaissance des utilisateurs, clés du passage à l'action sur l'économie de l’usage

L’économie de fonctionnalité a pour objectif central de répondre de façon durable aux besoins fondamentaux d’usagers, y compris dans des domaines d’interventions privilégiés pour les collectivités locales tels que l’habitat, la mobilité, l’alimentation, ou encore la santé. Les acteurs publics et leurs partenaires peuvent se saisir de cette approche pour faire évoluer leurs politiques publiques dans le sens d’une plus grande efficacité et d’un impact environnemental limité.

Les usages dans les domaines que nous venons de mentionner sont intrinsèquement encastrés dans des territoires. Les déplacements du quotidien - pour se rendre à son travail, accompagner ses enfants à l’école, bénéficier d’une consultation auprès d’un professionnel de santé ou encore réaliser une activité de loisir - permettent de s’en rendre compte aisément. L’échelle territoriale concernée pourra bien entendu varier selon les modalités par lesquelles les besoins des usagers sont assouvis. Le développement des circuits-courts permet ainsi de répondre en local aux besoins en termes d’alimentation en  rapprochant consommateurs et producteurs sur un territoire.

La tendance à la dématérialisation, impliquant par exemple des possibilités de téléconsultation médicale, permet d’élargir les possibilités d’accès à certains services de soin, y compris dans des territoires isolés. Ces exemples montrent que la création de valeur associée à toute activité permettant de répondre aux besoins d’usagers est par essence territorialisée. En se recentrant sur l’usager, l’économie de la fonctionnalité redonne ainsi toute son importance à la dimension territoriale des activités humaines. 


Répondre aux besoins d’usagers dans une logique d’économie de l’usage nécessite d’impliquer et de faire coopérer une grande diversité d’organisations intervenant à des échelles territoriales variées. La mise en place d’un système d’autopartage à l’échelle d’une ville implique par exemple de faire coopérer plusieurs services (mobilité, environnement, sécurité, urbanisme,...)  d’une ou plusieurs collectivité.s, un opérateur de mobilité privé, des opérateurs de réseaux (électricité notamment), ou encore des associations de riverains et d’usager des transports. Afin de concevoir un service adapté à même constituer une alternative performante au modèle classique basé sur la possession de biens, il est également nécessaire de développer une compréhension fine des utilisateurs, de leurs usages, de leur environnement (social, culturel,...), et des contraintes du territoire.

Un nouveau service public de mobilité en milieu périurbain et rural grâce au covoiturage :
L’entreprise ECOV propose aux collectivités locales de repenser leur offre de mobilité partagée en ouvrant des lignes de covoiturage dans des territoires périurbains et ruraux dans lesquels les transports en commun sont trop coûteux à mettre en place et peu pertinents au regard des usages des habitants. Concrètement, Ecov identifie les axes de circulation pour lesquels une ligne de covoiturage serait pertinente, à des heures données ou bien toute la journée. Des arrêts de covoiturage sont ensuite identifiés au niveau de points d’intérêts (zone d’emploi, parking relais,...) et l’offre est mise en place : un passager souhaitant se déplacer se rend à l’arrêt de covoiturage le plus proche de chez lui. Il y renseigne sa destination, par SMS, par une application mobile, ou encore par une assistance téléphonique. Celle-ci s’affiche sur un panneau lumineux situé en amont de l’arrêt de covoiturage. Quelques minutes plus tard, un conducteur qui va dans la même direction voit la demande sur le panneau ou sur son application mobile, s’arrête pour récupérer le passager et le dépose à l’arrêt souhaité.
Cette approche permet ainsi de créer un nouveau transport collectif, un nouveau service public, développé en partenariat avec les collectivités locales et co-construit avec les citoyens. Cliquez ici pour en savoir plus

Quelques pistes pour passer à l'action sur son territoire

Nous présentons ici des pistes d’action à destination des organisations publiques et privées souhaitant engager une démarche d’économie de l’usage dans le but de répondre aux besoins de leurs usagers, clients ou citoyens. 

Première piste

Sensibiliser les collaborateurs, élus et techniciens au potentiel et aux conditions de succès de l'économie de la fonctionnalité

  • Développer un argumentaire adapté au public cible à sensibiliser : mettre en avant les opportunités et bénéfices spécifiques que peuvent retirer les différentes typologies d’acteurs d’un passage à un modèle basé sur l’économie de l’usage
  • Illustrer les actions de sensibilisation par des exemples de réussite : ce sont les actions les plus en accord avec les spécificités d'un territoire qui réussissent le mieux. C'est pourquoi il faut adapter les études de cas, les exemples et les contenus pédagogiques aux contextes locaux.
  • Adopter une approche holistique du changement : adopter une démarche d'économie de l’usage n’implique pas seulement une modification des services rendus à des usagers, mais une véritable transformation de l’ensemble des pratiques en termes de conception, de production ou encore de distribution de biens et services. Ceci entraîne un bouleversement de l’identité même des organisations (raison d’être, organisation du travail, pratiques de coopération dans et hors de l’organisation, nature des relations partenariales, commerciales et contractuelles, etc.) qui doit être accompagné. 
Deuxième piste

Réaliser des actions d’animation sur son territoire

  • Fédérer l’écosystème territorial et animer la coopération entre les acteurs territoriaux, les structures d’intermédiation et les entreprises.
« Une bonne coordination et une juste implication des acteurs augmentent les chances que l’économie de la fonctionnalité s’implante durablement sur le territoire » (ADEME, 2020)
  • S’appuyer sur des structures d’animation territoriale reconnues par les acteurs économiques et institutionnels (ADEME, Agences Régionales d’Innovation, Agences Régionales de Développement, associations et clubs professionnels,...) pour lancer des groupes d’échanges multi-acteurs sur des thématiques prioritaires pour les territoires concernés. Un portage politique stable et un engagement pérenne des financeurs est essentiel pour sécuriser ces structures qui assurent le soutien administratif et économique des actions d’accompagnement des entreprises et des collectivités.

  • Soutenir les structures d’intermédiation spécifiquement dédiées à l’économie de la fonctionnalité dont la mission est de soutenir l’effort des entreprises dans leur mutation vers l’économie de l’usage, notamment via des actions collectives d’accompagnement des dirigeants d’entreprises et un soutien opérationnel au déploiement de nouveaux services. Des associations comme Club Noé en région Hauts-de-France, Macéo en région Auvergne-Rhônes-Alpes ou encore Initiatives durables en région Grand Est jouent ces rôles clés d’influence (promotion de l’économie de l’usage auprès des décideurs politiques et têtes de réseau), d’animation d’écosystème d’acteurs, d’accompagnement individuel et collectif et d’ingénierie de projet.
Troisième piste

Intégrer l’économie de la fonctionnalité dans la commande publique 

Appliquée à la commande publique, l’économie de la fonctionnalité peut permettre aux acteurs publics de répondre à leurs obligations en matière d’économie circulaire, et plus largement de contribuer une politique ambitieuse d’achats responsables. Concrètement, cela nécessite un changement radical d’approche : le prescripteur va ainsi commander une performance d’usage (un résultat) plutôt qu’un simple achat d’un bien ou d’un service (moyens), en établissant des contrats à fort impact positif (environnemental, social, économique). Les contrats de performance énergétique (CPE) constituent un outil pouvant être mobilisé par les acteurs publics à cet effet sur la thématique de l’efficacité énergétique des bâtiments.


Un guide méthodologique a récemment été publié par l’ADEME pour accompagner les acheteurs publics dans cette démarche.

Les collectivités de la Métropole du Grand Paris et les adhérents de l’Institut National de l’Economie Circulaire, de l’Observatoire des Achats Responsables et des Canaux peuvent par ailleurs participer à un programme gratuit d’accompagnement aux achats circulaires et solidaires.



Quatrième piste

Lancer des expérimentations concrètes

  • Procéder par étapes grâce à une stratégie de « petits pas » : après avoir mis en place un écosystème coopératif d’acteurs et défini une vision, il est important d’obtenir rapidement des résultats concrets pour maintenir la motivation tout en expérimentant les changements provoqués par les nouveaux modèles. 
  • S’appuyer sur des dispositifs spécifiques de financement et d’accompagnement : à titre d’exemple, l’ADEME a lancé en 2020 un programme de recherche-intervention pour le développement durable des territoires, dénommé COOP’TER (Territoires de Services et de Coopérations). Ce programme visant à soutenir les innovations de modèles économiques sur les territoires a permis d’accompagner 2 projets pilotes autour de la thématique de l’alimentation en Ile-de-France en 2020, dont EpideBri, une entreprise sociale basée à  Bondy (93) et dont l’objectif est de donner droit à l’alimentation saine et durable pour tous. Pour atteindre cet objectif, cette initiative propose de substituer à la démarche classique d’une entreprise commerciale qui est de « vendre toujours plus » (en volume, en quantité) une démarche d’économie de l’usage visant à proposer des conseils pour acheter moins (en quantité) et mieux, à vendre au prix juste, ou encore à proposer des temps d’échange avec les usagers et enrichir le répertoire de « recettes » pour manger mieux sans dépenser plus. 

Pour en savoir plus sur le programme et les projets accompagnés : https://presse.ademe.fr/2021/04/lademe-presente-les-projets-retenus-pour-le-programme-territoires-de-services-et-de-cooperations-coopter.html 

Références pour aller plus loin

Références pour passer à l'action :

Programme COOP’TER : 

Télécharger la plaquette du programme : https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4795-programme-coop-ter.html

Références académiques :

ADEME, PIKAIA, Paul Boulanger, Emmanuel Delannoy, Julien Valery. 2020. Panorama national et pistes d’action sur l’économie de la fonctionnalité. Recensement, analyse et éléments d'interprétation. 89p
https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/rapport-panorama-national-economie-fonctionnalite_2020.pdf 

ADEME, ATEMIS, Patrice VUIDEL, Brigitte PASQUELIN. 2017. Vers une économie de la fonctionnalité à haute valeur environnementale et sociale en 2050. Les dynamiques servicielle et territoriale au cœur du nouveau modèle. Synthèse. 23 pages.
https://occitanie.ademe.fr/sites/default/files/rapport-economie-fonctionnalite-haute-valeur-environnementale.pdf

Maillefert, M. & Robert, I. (2017). Nouveaux modèles économiques et création de valeur territoriale autour de l'économie circulaire, de l’économie de la fonctionnalité et de l’écologie industrielle. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, , 905-934. https://doi.org/10.3917/reru.175.0905

Vaileanu-Paun, I. & Boutillier, S. (2012). Économie de la fonctionnalité. Une nouvelle synergie entre le territoire, la firme et le consommateur ? Innovations, 37, 95-125. https://doi.org/10.3917/inno.037.0095

Références internationales :

Rothenberg, S. (2007). Sustainability Through Servicizing. MIT Sloan Management Review Vol.48 No.2. A découvrir ici.